11 décembre 2010
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Pour l’instant les protagonistes se contentent d’invoquer des « divergences stratégiques » avec les actionnaires. En fait, l’hypothèse la plus vraisemblable est que les deux fonds d’investissement, Colony Capital et Eurazeo qui détiennent ensemble plus de 27% du capital, ont voulu encore accélérer un mouvement entamé en 2006 justement avec l’arrivée aux manettes de Gilles Pelisson.
Accor a été créé en 1967 par Paul Dubrule et Gérard Pélisson pour développer en France le système américain des chaînes d’hotels destinés surtout aux hommes d’affaires. C’était les premiers Novotel. Trente ans plus tard le groupe était devenu un géant multipliant les investissements dans les hotels, du modeste Formule 1 aux palaces Sofitel sur tous les continents, et détenant des participations dans les voyages d’affaires, le Club Med , les casinos Barrière ou les tickets restaurants. Un groupe mondial mais qui restait fragile. Ce métier dépend en effet beaucoup de la conjoncture, un peu comme l’aérien. Tout a basculé quand des fonds d’investissement se sont intéressés au sujet.
Pour eux, il fallait que l’entreprise gagne en rentabilité. Pour l’actionnaire mais aussi pour dégager les moyens d’investir de nouvelles zones comme la Chine. Ils voulaient qu’elle adopte le modèle américain qui consiste à se séparer de tout ce qui n’est pas de hôtellerie pure, à se spécialiser dans un segment et à vendre son parc immobilier. Le principe est simple : vous vendez les murs de votre hôtel à un investisseur et ensuite vous lui louez les locaux pour gérer l’établissement, ou mieux encore, vous cédez la licence de votre marque à un indépendant, c’est la franchise, un peu comme Leclerc avec ses supermarchés. Tout cela a un objectif, réduire le capital immobilisé pour en améliorer le rendement. C’est ce qu’a fait Gilles Pelisson, d’abord en vendant ses participations hors hôtellerie, la dernière à été la séparation des tickets restaurants(et autres services regroupés dans Edenred). Il a en revanche échoué à mettre en bourse le groupe Barrière. Parallèlement, il a également cédé pour plusieurs millards d’euros d’actifs immobiliers.
Il a donc suivi la feuille de route écrite par les actionnaires. Mais le point de vue d’un PDG n’est pas toujours celui de l’actionnaire. Surtout quand ce dernier pense à sortir un jour avec une bonne plus value. Comme les marchés, qui eux aussi peuvent arbitrer avec d’autres investissements, ils préfère la spécialisation claire à la diversification confuse et le capital le plus réduit possible. Tout cela dans un timing qui n’est pas forcément celui du patron en place. Disons que l’actionnaire veut toujours plus de spécialisation pour optimiser la rentabilité alors que le patron aime bien un peu de diversification pour réduire les risques. Au départ Gilles Pelisson voulait garder les chèques restaurants, un métier très peu cyclique, garder un maximum de marques complémentaire (l’hotellerie économique est moins volatile) et un peu d’immobilier pour garder une compétence en matière de gestion d’immeuble. Le modèle de l’investisseur c’est finalement celui du McDonalds de Denis Hennequin : une seule marque, des franchisés partout (même si McDo est propriétaire des murs de ses franchisés) et une domination mondiale. Un modèle radical que voulait de moins en moins endosser le neveu du fondateur de la maison Accor et qui conviendra très bien à son successeur. Reste à savoir si l’intérêt des actionnaires actuels, du moins ceux qui influent sur sa stratégie, est correctement aligné avec celui à long terme de l’entreprise.
source Les Echos