Gilles Pélisson, P-DG d'Accor, est en train de se séparer des activités de services pour faire de son groupe un spécialiste mondial de l'hôtellerie en franchise. Une nouvelle stratégie qu'il a pu détailler, mercredi 19 mai, devant la communauté financière.
Vous êtes en train de transformer Accor en un opérateur d'hôtellerie plutôt qu'un propriétaire d'hôtels, c'est un virage stratégique?
- Oui, c'est d'ailleurs une tendance très nette sur le marché de l'hôtellerie. Il est préférable de se spécialiser sur l'activité hôtelière en devenant un propriétaire de marques gérées par le biais de franchises. Pour ceux qui souhaitent investir dans l'immobilier, il existe des sociétés foncières dont le métier consiste à posséder des murs. Nous préférons nous concentrer sur la formation des collaborateurs, le développement des marques, et la croissance à l'échelle de la planète. Le Fonds stratégique d'investissement, qui possède près de 8% d'Accor, s'est opposé sans succès à la séparation de vos activités de services et d'hôtellerie. Il paraîtrait logique qu'il se désengage...
- Je ne sais pas ce qu'ils vont décider. Nous avons eu des échanges très positifs et ce qui en ressort, c'est que le FSI n'a pas l'intention de gêner notre société. Ses responsables nous ont expliqué qu'ils souhaitaient avoir une gestion patrimoniale de leur participation.
La démission du représentant de la Caisse des dépôts dans votre conseil d'administration, la semaine dernière, annonce-t-elle le retrait de la participation de l'Etat dans Accor?
- C'est juste la fin d'une histoire. Cette démission est logique et conforme à la position de cet actionnaire. Nous en profitons pour féminiser notre conseil d'administration avec l'arrivée de Sophie Gasperment, directrice générale de The Body Shop. Nos deux plus gros actionnaires, Colony Capital et Eurazeo, qui ont 30% du capital, se sont engagés à rester actionnaires jusqu'à la fin 2011. Vous allez faire passer Suitehotel sous la bannière de Novotel.
C'est le début d'une simplification dans votre copieux portefeuille de marques?
- Nous avons beaucoup travaillé sur la construction de marques fortes et complémentaires. C'est ce qui nous permet de développer la franchise, car si vous n'avez pas de belles marques, vous ne trouvez personne pour vous rejoindre. Mais cela peut demander quelques ajustements. Ainsi Suitehotel, qui est une enseigne d'hôtels trois-quatre étoiles, va passer sous la bannière "Suite Novotel". Cela va nous permettre d'accélérer le développement de Novotel, car il s'agira d'établissements pouvant s'intégrer dans des immeubles existants, en centre-ville, sans restaurant et donc plus facilement déployables en franchise.
Vous accélérez aussi votre présence dans les pays en développement...
- Cela fait trois ans que nous ouvrons 30.000 chambres par an. Nous allons passer à 40.000 chambres. Cela va se faire en Europe, où les grandes enseignes ont encore un fort potentiel de développement. En partie parce que la crise incite les indépendants à rejoindre des marques fortes. Mais cela va concerner aussi la Chine, le Maroc, l'Algérie et le Brésil où nous sommes déjà le premier hôtelier et où nous avons encore un boulevard devant nous.
En devenant un groupe franchisé, ne risquez-vous pas de perdre la maîtrise de vos standards de qualité?
- En effet, c'est une préoccupation. Nous aurons toujours un noyau dur d'établissements nous appartenant en propre qui seront des modèles pour l'ensemble du réseau. Nous serons très vigilants, mais nos franchisés sont des entrepreneurs familiaux qui ont investi leur propre capital, très directement motivés par la satisfaction du client. Si nous faisons bien notre métier de franchiseur en leur apportant les services dont ils ont besoin, il n'y a pas de raison que le produit s'affaiblisse.
Propos recueillis par Jean-François Arnaud et Jean-Baptiste Diebold.
Challenge.
robin des bois 24/05/2010 11:32