Pour les enfants de Krousar Thmey, Bénito et son équipe ont accompli des miracle.O leur doit par exemple la création de la langue Khmère en braille. En 200, pour ses services rendus au pays, le roi Norodom Sihanouk a accordé à Benoit Duchâteau-Arminion la nationalité cambodgienne. C’est ainsi que le Savoyard Bénito peut montrer ses deux passeports.
Parti provisoirement en Asie pour gérer les hôtels du groupe Accor, le Chambérien y a pris racine. 20 ans plus tard, délaissant une brillante carrière, il a fait de sa fondation humanitaire une puissante institution au Cambodge…
C’est l’histoire d’un contrôleur de gestion qui s’aperçoit, un jour, que la misère du monde n’entre pas dans son attaché-case. Ou comment un Savoyard, de souche ancestrale, finit par s’enraciner dans de lointaines rizières. Les vignes d’Apremont, au pied du mont Granier, lui étaient pourtant beaucoup plus familières.
Débarquant en Thaïlande fin1989, Benoît Duchâteau-Arminjon aurait dû y mener la vie confortable des expatriés. On vient de le nommer au Novotel de Bangkok. À 25 ans, une belle carrière s’ouvre devant lui. Pourvu qu’il suive, d’une mutation l’autre, la route où le mènera son business.
Mais tout va basculer bientôt, lorsque Benoît découvre les 190 000 Cambodgiens parqués à la frontière du pays. Ils ont fui les combats, la famine et le génocide déclenché chez eux par Pol Pot et sa clique. La moitié sont des gosses – orphelins ou abandonnés par leurs parents – qui errent ici entre misère et prostitution. L’histoire de chacun d’entre eux relègue les romans de Dickens au rang d’aimables bluettes. David Copperfield se pose en nanti, à côté de Wanna, 11 ans, “aveugle de naissance que les adultes forcent à mendier sur les marchés. “
Et Benoît est devenu Bénito…
Tempête sous un crâne, le jeune Français ne sera plus jamais comme avant. Sa vision du monde a changé : “Tout à coup, les chiffres d’hôtel et les rapports financiers m’apparaissent comme un devoir sans joie. Les conversations avec mes collègues sonnent creux. Leurs caprices, leurs remboursements de frais, leurs récriminations envers les employés thaïs pourtant si aimables m’ennuient. Leurs certitudes ne sont plus les miennes.”
Renonçant à sa brillante situation professionnelle, Benoît s’engage vers un autre destin. Il va y gagner un surnom, Bénito, une expérience éprouvante et d’immenses satisfactions. Battant le rappel de la famille et des amis, il collecte les fonds nécessaires à la construction de deux orphelinats en Thaïlande. Avec une philosophie bien établie : “C’est aux Khmers de s’occuper de leurs enfants, aidons-les sans sombrer dans l’assistanat. À eux de gérer les centres, leur ambition commune étant de retrouver un jour leur vraie patrie. “Ce qui devient possible le 23 octobre 1991, avec la signature des accords de paix à Paris. Les exilés peuvent rentrer au Cambodge, à leurs risques et périls. Bénito, avec sa fondation Krousar Thmey, sera du voyage. Il connaîtra les terrains minés, la menace des militaires, les tirs de kalachnikov, la misère envahissante, les routes impraticables. Et aussi les tracasseries d’une administration corrompue : “Là, parfois, j’ai failli céder au découragement. Pour avoir le droit d’aider leur peuple, j’aurais dû payer ces fonctionnaires ! Mais jamais je n’ai accepté de verser le moindre pot de vin, je me suis battu contre un système kafkaïen”.
Avec la bénédiction du roi Sihanouk
Vingt ans plus tard, publiant un livre qui raconte son aventure ( 1), le Savoyard obstiné peut mesurer le chemin parcouru. Sur ce qui n’était qu’un champ de ruines, il a fait pousser des centres d’accueil pour gamins perdus, des maisons familiales, des écoles pour enfants aveugles et sourds. Avec sa formidable équipe, on lui doit la création du braille khmer, le développement de la langue des signes cambodgienne. Là-bas, pour la première fois, les petits handicapés bénéficient d’une instruction : “On les a amenés au bac, à l’université et même jusqu’à l’Académie royale.” Sa conception de l’humanitaire, “identité, dignité, intégration “, a porté ses fruits. Usant de ses compétences de gestionnaire, Bénito a mis en place une organisation ultra efficace. Fidèle à ses principes, il en transmet progressivement les rênes aux habitants du pays.
Krousar Thmey, petite structure jadis fondée par un homme seul, étranger de surcroît, est devenue une puissante institution soutenue par le Premier ministre Hun Sen.
En 2000, le roi Norodom Sihanouk a octroyé à M. Duchâteau-Arminjon la nationalité cambodgienne. “L’histoire nous classera parmi les pionniers de l’éducation au Cambodge “, sourit le Chambérien de Phnom Penh. Son “œuvre”, même si le mot le rebute, pèse tout de même plus lourd qu’une carrière prospère dans l’hôtellerie. En quittant le groupe Accor, comme sur le coup d’une révélation, Bénito a trouvé sa voie. Touché par la grâce ? “Non, même si cinq de mes oncles sont prêtres, je ne crois pas en Dieu.“ Il lui a suffi de croire en l’homme.
(1) “Un humanitaire au Cambodge“ par Benoît Duchâteau-Arminjon aux éditions du Pacifique (préface de Gérard Klein, postface du Dr Xavier Emmanuelli). Tous les droits d’auteur du livre sont entièrement versés à Krousar Thmey.www.unhumanitaireaucambodge.com