Fo Accor vous informe: Messagerie professionnelle : un courriel privé ne peut justifier une sanction
Si l’employeur est en droit d’ouvrir les courriels non estampillés « Personnel », émis par les salariés depuis leur messagerie professionnelle, il n’est pas pour autant autorisé à se prévaloir du contenu d’un tel message qui s’avérerait finalement d’ordre privé. Dans un arrêt du 5 juillet, la Cour de cassation rappelle en effet qu’un message relevant de la vie privée ne peut être utilisé pour sanctionnerle salarié qui en est l’auteur ou le destinataire. Tant que le salarié fait preuve demodération s’agissant de l’utilisation personnelle de la messagerie professionnelle, la Cour de cassation appelle les entreprises à faire preuve d’une relative tolérance.
Ouverture légitime des messages
Un salarié cadre supérieur a été licencié pour avoir détenu dans sa messagerie professionnelle des messages à caractère érotique et entretenu une correspondance intime avec une salariée de l’entreprise. L’employeur avait découvert ces différents messages à l’occasion d’un contrôle inopiné, effectué hors la présence du salarié, conformément aux règles d’accès posées par la jurisprudence.
Rappelons en effet que les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’ordinateur professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel et que l’employeur est donc en droit de les ouvrir, même en l’absence du salarié, et d’utiliser leur contenu à l’appui d’une sanction disciplinaire, sauf si le salarié les a identifiés comme personnels(Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.486). Dans la présente affaire, les messages ne comportaient aucun objet ni référencepermettant de les considérer comme tels.
Contenu d’ordre privé
Toutefois, ce n’est pas parce que l’employeur a accédé légitimement à ces messages qu’il est en droit de se prévaloir de leur contenu. L’entreprise l’a appris à ses dépens dans cette affaire : le salarié, qui comptait 18 années d’ancienneté, a obtenu 90 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle etsérieuse.
Dans son arrêt du 5 juillet, la Cour de cassation a en effet posé pour principe que, « si l’employeur peut toujours consulter les fichiers qui n’ont pas été identifiéscomme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner s’ils s’avèrent relever de sa vie privée ».
Cette solution découle directement du principe, rappelé par les Hauts magistrats, selon lequel « le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ». La Cour de cassation avait déjà suivi cette méthode de raisonnement dans deux récentes affaires, à propos de courriels échangés, via la messagerie professionnelle, entre des salariés dénigrant leur hiérarchie. Dans les deux cas, les licenciements pour faute ont été jugés fondés, car de tels messages,en rapport avec l’activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privéd’après la Haute juridiction (Cass. soc., 2 février 2011, nos 09-72.313 et 09-72.449, Juris. Théma. -Droit discipl.- n° 142-2011 du 12 juillet 2011).
Dans l’arrêt du 5 juillet dernier, la Cour de cassation a estimé que les messageséchangés entre le salarié licencié et une collègue, relatant leur vie intime, étaient bien d’ordre privé et excluaient donc une sanction disciplinaire.
Cette position ne remet nullement en question la possibilité de sanctionner un salarié en raison de l’abus qu’il fait dans l’utilisation de la messagerie professionnelle : l’envoi d’un nombre important de mails personnels affectant le trafic normal des mails professionnels reste fautif. Tel n’était pas le cas en l’espèce. Entretenir une correspondance intime et régulière avec une ou un collègue de travail n’est pas sanctionnable, tant que le volume de cette correspondance reste raisonnable.
Conservation de photos érotiques
Quant au fait de détenir des photos érotiques sur sa messagerie professionnelle, la chambre sociale a estimé dans cet arrêt que tant que le salarié les conservedans sa boîte de messagerie, sans les enregistrer ni les diffuser, il ne fait pas un usage abusif de l’outil professionnel. Leur seule présence ne suffit donc pas à caractériser un comportement fautif (voir déjà en ce sens : Cass. soc., 14 avril 2010, n° 08-43.258 : réception de courriels pornographiques sans enregistrement sur le disque dur). A contrario, sera considéré comme fautif le salarié qui diffuse outransfère de telles images (en l’espèce, le salarié licencié n’avait fait que les recevoir), ou encore qui les stocke volontairement sur le disque dur de son ordinateur. La faute grave a ainsi été retenue dans une précédente affaire à propos d’un salarié conservant plus de 480 fichiers pornographiques sur son ordinateur professionnel, lesquels avaient transité par sa messagerie professionnelle (Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 09-42.691).
Cass. soc., 5 juillet 2011, n° 10-17.284 F-D
Source: Liaisons sociales