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Ils ne sont ni les premiers ni les derniers à vouloir faire le tour du monde à vélo. Fin 2012, lorsque cet infirmier psychiatrique et ce cuisinier bordelais dévoilent leur périple, ils retiennent malgré tout l'attention. Il s s'apprêtent à traverser 14 pays, dans l'espoir chevillé à la selle de faire découvrir les spécialités culinaires françaises aux lycéens qui croiseront leur chemin. Le projet a l'air un tantinet fumeux, mais le tandem se la joue les mains en haut du guidon. Ne disposent-ils pas d'un budget de 12 000 euros alimenté par des sponsors, des prêts et leurs économies ? Pédalez, jeunesse ! Le groupe Accor lésé Jeudi après-midi, la fin de l'échappée belle s'est terminée devant le tribunal correctionnel de Bordeaux !
Tout du moins pour le cordon-bleu, qui a quitté la salle d'audience lesté d'une condamnation à six mois de prison avec sursis pour escroquerie.
Et l'obligation de rembourser près de 29 000 euros au groupe Accor, le propriétaire du Novotel bordelais où il était salarié. La balade à vélo avait été en partie financée par la chaîne hôtelière sans que celle-ci s'en aperçoive.
L'année précédant son tour du monde, le cuisinier astucieux a carotté la bagatelle de 918 000 points fidélité à son employeur. Des points bientôt transformés en miles aériens ou en chèques hôtel. Soit au total 53 vols assurés par la compagnie espagnole Iberia et 39 séjours dans des établissements de la galaxie Accor.
C'est un audit du responsable sécurité du groupe qui a mis au jour le pot aux roses pendant que le maître queux taillait la route avec son compagnon en Amérique du Sud.
Pour fidéliser ses clients, Accor leur attribue des points dès qu'ils descendent dans un hôtel du groupe.
Depuis son ordinateur personnel, le cuisinier, en se rendant sur le site du groupe, avait créé en quelques clics sept comptes fictifs. Soit sous des identités fantaisistes, soit en utilisant à leur insu les noms de proches.
Sur son lieu de travail, il avaitrécupéré discrètement le code de sa collègue chargée de créditer manuellement les points quand ces derniers ne sont pas affectés automatiquement par le système informatique, ce qui arrive de temps à autre.
Bien mal camouflé, le sésame apparaissait clairement dans un cahier laissé ouvert dans les locaux du Novotel. Il était d'autant plus facile à mémoriser qu'il était simple comme bonjour. Point besoin de sortir de l'ENA ou de Polytechnique pour s'engouffrer dans la brèche.
- « Il a agi par facilité »
Deux fois par semaine, le cuisinier du Novotel, profitant de ses moments de pause, pianotait sur l'ordinateur de son chef et faisait gonfler sa cagnotte. Le geste large, il savait en faire profiter des membres de son entourage ou de sa famille, ces derniers étant persuadés qu'Accor réservait ces avantages à son personnel.
« Il a agi par facilité. Il n'avait pas l'impression d'escroquer qui que ce soit. Pour lui, le bénéfice était virtuel », insiste son avocat, Me Pierre-Luc Receveur.
Quelque peu complexé par la faiblesse de ses revenus, le jeune cuisinier avait le sentiment qu'en offrant ces voyages à son compagnon, il jouait dans la même catégorie.
Si la compagnie Iberia a passé l'éponge, le groupe Accor a pris la mouche et réclame, outre la contre-valeur des points de fidélité, des réparations financières au titre du préjudice moral subi par différentes sociétés du groupe. Au motif qu'elles auraient subi « un trouble », des salariés ayant été suspectés à tort.
Une demande que le tribunal présidé par Caroline Baret a rejetée. Point trop n'en faut !
Source: Journal Sud Ouest